Les climats

Publié le par Jean-Michel Le Bail

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Film franco-turc de Nuri Bilge Ceylan avec Ebru Ceylan

Le feu sous la glace

Un archéologue réalise que la relation avec son épouse est en train de s'essouffler. Il lui propose une séparation pour quelque temps, ce qu'elle accepte immédiatement. De son côté il décide de renouer avec une ancienne conquête, lorsqu'il apprend que sa femme est partie dans l'est du pays pour un tournage. Il décide alors de la rejoindre...

Le nouvel opus du réalisateur de Uzak continue l'exploration des rapports entre homme et femme. Sa caméra semble avoir le pouvoir de sonder les âmes dans la moindre de leur palpitation. Certaines scènes sont tout simplement bouleversantes, qui font apparaître la difficulté des sexes à communiquer.

On ne sait trop si cette difficulté provient des individus ou de leur culture, même si le film donne certaines indications qui laissent à penser que le cloisonnement de la société turque n'est pas étranger à la situation des protagonistes. Les êtres semblent prisonniers d'une gangue invisible qui les empêche d'exprimer leurs sentiments, un peu comme la neige qui recouvre peu à peu le paysage.

Un véritable chef d'oeuvre à ne manquer sous aucun prétexte.

Critique d'un cinéphage

Enfin du cinéma. 
Trop souvent ces derniers temps (depuis "Mulholland Drive" ?) nous n'avons eu affaire dans les salles noires qu'à des romans filmés que l'on nous vend sous le label "cinéma". C’est récréatif, on y mange du pop-corn sans être gênant, mais bon. 
Or, "Les climats", quel beau titre pour dire le temps qui passe sur les relations amoureuses, nous donne à voir pas à lire, ou alors à lire au sens de traduire, de décoder, d'inférer. Tout ici est histoire de cadre, de hors champ, de composition, d'image donc. Le fait que le cinéaste Nuri Bilge Ceylan soit également photographe n'est sans doute pas étranger à l'affaire. 
Rien ne se donne facilement dans cette œuvre forte mais tout y est limpide, fluide, précis, dessiné. Les comédiens, tous remarquables, sont filmés au plus près, leur peau étant utilisée comme la surface sur laquelle s’écrit et se lit cette histoire d’une déchirure. De la chair et de l’esprit, comme dans cette scène centrale où tout se joue autour d’une cacahuète, qui crée un contrepoint comico-absurde et une profondeur de champ qui dynamise la séquence, où l’on ne sait si l’on est dans l’amour ou dans sa négation, le viol. De la confusion des sentiments en quelque sorte, également illustrée par cette autre scène majeure, où  dans une chambre d’hôtel les deux personnages principaux vont passer une nuit sans rien se dire mais où tout pour eux va basculer : on assiste à une succession de plans très courts donnant à voir des morceaux des deux corps allongés sur le lit et l'on ne sait ce que l'on voit, ni ce qui se joue réellement. De l’abstraction charnelle pourrait-on dire…

Remarquable

 

Publié dans cinecritic

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