2007, l'année du polar express

Publié le par Jean-Michel Le Bail

Au moment de tirer le bilan ciné de 2007, il apparaît comme une évidence que le bon vieux polar constitue à nouveau une valeur sûre. En effet, cette année, pas de déferlante SF, une pâle tentative western (L'assassinat...), quelques comédies (romantiques ou pas), peu de films musicaux (Once), et des séquelles de films d'horreur pas convaincantes (Saw IV, Planète terreur).

La vie des autres
est sans doute l'événement marquant car totalement inattendu en terme de succès commercial, dans la lignée de son prédécesseur dans ce domaine Goodbye Lenin. La preuve que le cinéma peut aussi fournir l'occasion de se pencher sur le passé proche, mais sans doute également un exercice difficile car le recul historique et les témoignages manquent. Le film n'en a que plus de mérite. 
Belle réussite également dans un registre assez proche (même s'il s'agit d'animation) de Persépolis.
Deux confirmations ; d'une part la montée en puissance du cinéma d'auteur d'ici et d'ailleurs avec des films époustouflants venus d'Asie (Still Life, secret sunshine, La forêt de Mogari) ou du Moyen orient (De l'autre côté, Les climats, Les méduses).

Reste que l'année a été largement dominée par la sortie de thrillers tels que American gangster, La nuit nous appartient, Zodiac ou les promesses de l'ombre, qui montrent les reflets troubles et troublants d'une société gangrénée de l'intérieur et en recherche de valeurs, même si l'intrigue de la plupart se situe dans les années 70-80. 

Au niveau des actrices, quelques découvertes comme Emily Barclay (Le feu sous la peau) ou Jeon Do-Yeon (Secret sunshine). Pour le cinéma français, on retiendra les performances de Virginie Ledoyen (un baiser s'il vous plaît) et d' Adèle Haenel (Naissance des pieuvres). Chez les hommes, on se souviendra du jeu intense de Viggo Mortensen dans Les promesses de l'ombre et l'on notera la présence récurrente de Louis Garrel (Les chansons d'amour, Dans Paris, Actrices...). 

Allez bonne année 2008 à tous les cinéphages, n'oubliez pas de voter pour vos deux films préférés (voir article ci-dessus)  

Quant à nous, vous l'aurez deviné, notre chouchou de l'année reste Les climats, qui nous a presque donné l'impression de redécouvrir le cinéma...

Publié dans cinéma

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P
Dans ce bilan de l’année 2007, un film risque de passer à la trappe pour de mauvaises raisons et je voudrais, dans la mesure de mes moyens, contribuer à l’inclure (aux forceps certes, mais quand même…) dans ce palmarès annuel. Il s’agit de « L’heure zéro » de Pascal Thomas.A priori, une banale bluette, une comédie policière plan-plan, un whodunit agathachristien comme il en existe tant. Le réalisateur ayant déjà œuvré dans la même catégorie peu avant (« Mon petit doigt m’a dit », un niveau en dessous cependant), on pourrait se dire qu’il a trouvé là un possible filon… voire qu’il se répète, qu’il bégaie. De plus, Pascal Thomas n’ayant jamais été admis dans le cercle des cinéastes pour cinéphiles, mais plutôt assimilé à une certaine tendance potache, académique, au mieux naturaliste, du cinéma français, on sourit gentiment à l’évocation de son nom…Il n’empêche qu’il conviendrait sans doute de se pencher avec un peu plus de circonspection et de sérieux sur sa filmographie et ce faisant découvrir que des films tels que « Confidences pour confidences » ou « Les maris, les femmes, les amants » ne sont pas les navets lisses ou franchouillards qu’on aurait pu croire de prime abord. Ils y gagneraient, je suis sûr, une forme de réhabilitation. Et considérer l’œuvre dans son entier permettrait d’en dégager la cohérence.Cela étant, revenons à notre propos, c’est-à-dire à « L’heure zéro ». Comme toujours chez Thomas, la galerie de personnages hauts en couleur est au rendez-vous et les comédiens savamment choisis pour les incarner. Mais dans ce cas précis, c’est la forêt qui cache l’arbre. Et lorsque le film arrivera à sa fin, ce petit théâtre de personnages, la forêt, se retirera, ne laissant à sa lisière que le personnage central, énigmatique, l’arbre, incarné par Chiara Mastroiani, contemplant de dos la mer, dérobé à notre regard donc. Et nous serons alors bien embêtés, cherchant à interpréter ce dernier regard ambigu qu’elle nous a lancé, ce dos qu’elle nous impose comme pour se cacher ou se protéger et cette mer qu’elle contemple comme une alliée de son crime ou comme le symbole d’une possible renaissance. Bien embêtés avec une vérité qui se dérobe à nous mais bouleversés par toute la profondeur du chagrin qui s’en dégage.Et tout le film est ainsi à l’image de ce finale, qui nous lance sur des fausses pistes,  nous fait prendre des vessies pour des lanternes, à la fois dans l’histoire policière mais également dans le « sous-texte » du film. Ce dernier avance masqué. Et ce faisant le réalisateur prend un sacré risque, celui de voir les spectateurs s’en tenir au décor de carton-pâte qu’il a installé, et ne considérer les personnages qu’en simples marionnettes s’agitant dans ce castelet. Et trouver tout cela très « bof » finalement.Or, tout ici est factice à dessein, jusqu’au jeu des acteurs qui n’est qu’outrance et sur-jeu, car ce qui semble intéresser Pascal Thomas c’est plutôt de questionner notre rapport à la vérité. On s’intéresse très peu finalement à la résolution de l’énigme, et l’on sent bien que le réalisateur s’en contrefout itou. Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce que cela veut dire « être vrai » ? Et ce que nous pensons être vrai, l’est-il réellement ? Ne nous construisons-nous pas des vérités qui ne sont que des mensonges pour nous aider à supporter le fait de vivre ? Voilà ce que nous dit le dernier plan évoqué plus haut. Dernier plan qui renvoie d’une certaine manière à la séquence d’ouverture du film que l’on prend pour un flash-back mais qui n’en est pas un !Ces variations sur le vrai et le faux, la subtilité du traitement de ces questions par Pascal Thomas, sa direction d’acteurs, les jeux successifs de mise en abyme et de mystification qu’il opère ici et là, ne sont pas sans rappeler, à un degré moindre certes, « Le limier », le dernier film de Joseph Mankiewicz. Et c’est tout à l’honneur de ce formidable bonhomme, qui n’oublie pas ce qu’il doit à ses devanciers, et qui nous livre ainsi une comédie d’une « mâle gaieté, si triste et si profonde que, lorsqu’on vient d’en rire, on devrait en pleurer ». 
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